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TRADITIONS VAUDOISES

Par TEOFILO PONS

Le Cycle de la vie humaine

    La naissance

    Le baptême

    Les fiançailles

    Le mariage

    Les funérailles

LE CYCLE DE LA VIE HUMAINE

(Nous avons tenu à conserver dans ces chapitres les tournures archaïques de l'ancienne langue française utilisée dans les vallées vaudoises.)

Le facteur religieux a toujours maintenu les Vaudois dans l'isolement vis-à-vis des populations au milieu desquelles ils vivaient. Il est donc naturel que leurs cérémonies religieuses et leurs fêtes populaires diffèrent de celles des gens de la plaine et des vallées limitrophes. Ainsi, des fêtes comme l'Épiphanie, la Chandeleur, Carnaval, la Saint-Joseph, le Carême, la Fête-Dieu, la Saint-Jean, la Saint-Pierre, la Toussaint, les Morts, les fêtes patronales et celles des autres nombreux saints du calendrier, n'ont presque pas laissé de traces dans le folklore des vallées vaudoises du Piémont. Leur ségrégation religieuse et civile a poussé les Vaudois à donner, même aux manifestations profanes, une coloration religieuse et spirituelle qui les a toujours caractérisés dans le passé. Malgré leur petit nombre, ces fêtes avaient une grande importance puisqu'elles rompaient de temps en temps la monotonie de la vie quotidienne de nos montagnards qui souffraient du double isolement dû au n ghetto as dans lequel les avaient relégués le traité de Cavour. Ghetto qui les isolait du monde catholique environnant et qui rendait très difficiles les contacts et les relations avec leurs coreligionnaires de l'Europe protestante.

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LA NAISSANCE

Dans les rustiques demeures des villages de nos montagnes, lorsqu'un nouvel enfant devait naître, il y avait une attente, une inquiétude, une anxiété peut-être plus marquée qu'ailleurs, à cause de l'absence habituelle soit du médecin, soit de la sage-femme. La responsabilité de l'événement retombait ainsi sur la mère de la jeune épouse ou sur une autre femme du village particulièrement expérimentée.

Le nouveau-né était immédiatement lavé et ensuite emmailloté et placé à côté de la maman, heureuse d'avoir donné naissance à une nouvelle vie qu'elle continuait à couver amoureusement du regard. On plaçait ensuite le berceau préparé, lou cros, à côté du lit de la mère afin qu'elle pût commodément lui offrir le sein après les premières vingt-quatre heures, durant lesquelles on ne donnait à l'enfant que des tisanes émollientes : généralement une infusion de pensées sauvages (viola tricolor).

La période de repos de l'accouchée était ordinairement de sept jours, la sëmano dë palholo Pendant cette semaine sa nourriture normale était la panaddo, espèce de soupe au pain blanc (de froment) ou aux grissins, à laquelle on ajoutait un brin de noix muscade pour favoriser la formation du lait maternel. I a nécessité aidant, et grâce à une saine constitution, les forces revenaient rapidement à la jeune maman qui pouvait ainsi reprendre ses occupations quotidiennes avec celles requises par l'arrivée de la nouvelle vie.

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LE BAPTÊME

Il n'y a pas de date fixe entre la date de la naissance et celle du baptême. On trouve, dans de vieux registres, des baptêmes administrés deux, trois, quatre, jusqu'à vingt jours après la naissance. Mais c'était dans des périodes de vie agitée, anormale, quand les Vaudois étaient "hérétiques" pour l'autorité religieuse, "rebelles" pour l'autorité civile.

Aujourd'hui, le baptême est généralement administré dans l'année après la naissance, et c'est une occasion pour des festoiements joyeux et populaires : lâ batialha La cérémonie est célébrée au temple, devant l'assemblée des fidèles, avant le sermon ; tandis que, dans les siècles passés, le baptême était administré après le sermon, à la fin du culte.

L e nouveau-né est présenté par les parents, le parrain et la marraine. En général, ces derniers sont des proches parents, souvent oncles ou tantes des enfants baptisés. Le parrain présente l'enfant au ministre et à l'assemblée en le tenant dans les bras, tandis que la marraine offre au ministre l'eau pour la cérémonie, eau qu'elle a portée dans un flacon, avec une serviette blanche.

Le pasteur emploie pour la cérémonie une liturgie particulière et, après avoir rappelé aux parents et aux parrains leurs devoirs relatifs à l'éducation religieuse et chrétienne de l'enfant, selon les Saintes Écritures, il administre le baptême par aspersion sur le front de l'enfant, en prononçant la formule trinitaire : " Le tel, la telle, je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ".

Anciennement, dans les familles plus aisées, pour présenter l'enfant, on se servait d'un morceau de soie ou de brocart, appelé dans le val Pélis Patta batioira, "Patte" pour le baptême.

Le sexe de l'enfant, pendant les trois ou quatre premières années, se reconnaissait au bonnet dont le fond était crocheté d'une certaine façon pour les garçons, d'une autre, pour les fillettes.

Après le baptême à l'église, il y avait et il y a encore le repas de famille à la maison du nouveau-né où se rendent grands-parents, parents des époux, frères et sœurs, cousins. On fait honneur au repas toujours abondant, on chante avec entrain et, enfin, on organise dans un local de fortune des danses, qui se prolongent très tard dans la nuit. Mais le lendemain, tout le monde sera ponctuel pour se rendre à son travail. Pas de relevailles pour les femmes vaudoises.

L'allaitement maternel était de règle. Seulement, si la maman n'avait pas la quantité de lait nécessaire pour nourrir l'enfant, on cherchait une nourrice. Mais cela arrivait très rarement. On recourait parfois au lait de chèvre pour le substituer à celui de la mère qui, pour un motif ou un autre, n'était pas en mesure d'allaiter son enfant.

Le sevrage de l'enfant avait lieu dans l'année. Quelquefois, cependant, il fallait recourir à des moyens plutôt énergiques : enduire le bout du sein avec de la gentiane, de l'aloès, de l'absinthe ou d'autres substances amères, pour habituer l'enfant à une nourriture convenant à son âge, et soulager la maman de l'épuisement dû à un allaitement trop prolongé.

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LES FIANÇAILLES

Dans le lointain passé les fiançailles étaient marquées par des fêtes grandioses et très coûteuses. Elles sont plus modestes aujourd'hui et en train de tomber en désuétude comme manifestations publiques.

La "Fréquentation" du jeune homme et de la jeune fille commençait dans les veillées familiales qui se tenaient jadis dans les étables, et continuait chez la jeune fille. Après cette "Fréquentation" plus ou moins longue, si tout allait à souhait, on en venait aux fiançailles qui, au commencement du XVIII ème siècle, étaient devenues excessivement fastueuses et coûteuses. Ce qui poussa les autorités ecclésiastiques vaudoises à intervenir énergiquement et à limiter à vingt-quatre le nombre des personnes invitées, et cela pour les familles les plus opulentes.

Avant d'arriver aux fiançailles officielles, il advenait, quelquefois, dans les siècles passés et au sein des familles plus aisées, que la jeune fille, avant de prendre la dernière et définitive décision, allât faire une visite à la demeure du fiancé pour se rendre bien compte de l'état de la famille qui devait devenir la sienne après le mariage. Cette visite intéressée était appelée anâ pèr l'èrgardum, c'est-à-dire pour jeter un "coup d'œil" à la propriété foncière de ses futurs beaux-parents et pour contrôler ce que lui avait raconté son partenaire au jeu de l'amour. Les précautions, pensaient les jeunes filles déjà émancipées, ne sont jamais excessives quand il s'agit de son avenir.

Les publications de mariage se faisaient le samedi au soir ou le dimanche matin et étaient affichées au "tableau de la mairie". On disait alors que les fiancés étaient pendus. Au commencement du siècle, les amies de la jeune fille ornaient encore la feuille des publications avec une couronne ou un bouquet de fleurs blanches en papier qui restaient dans le grillage aux affiches pendant les quinze jours des publications du mariage.

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LE MARIAGE

A la montagne, le mariage est exclusivement fixé pour le samedi : la noce dure ainsi deux jours, mais on perd un seul jour de travail. Autrefois le samedi était consacré au mariage civil à la mairie et le dimanche était celui de la bénédiction religieuse qui se déroulait pendant le culte public. Les époux recevaient de la part de l'église une Bible en français, dite de "Famille", parce qu'elle avait au commencement quelques pages blanches pour y inscrire, avec le nom des époux, celui des futurs enfants toujours attendus impatiemment dans les vallées - et les événements mémorables qu'allait connaître le nouveau foyer.

Dans la vallée du Pélis, le jour du mariage, les invités de l'épouse allaient chercher l'époux, tandis que ceux de l'époux se rendaient à la maison de l'épouse pour l'accompagner à la cérémonie. Les deux cortèges, qui exprimaient leur joie à coups de pétards, se rencontraient devant la mairie : l'épouse, la blanche coiffe ornée d'une couronne de fleurs, au bras de son père, l'époux, à celui de sa mère : ensuite, deux à deux, par couples, suivaient tous les autres invités.

A la cérémonie civile succédait, dans le temple, la bénédiction religieuse. Ensuite, tous se rendaient en cortège au banquet nuptial à la maison de la mariée. Le repas copieux se prolongeait tard dans l'après-midi, jusqu'au moment où l'on commençait les danses, souvent ouvertes par l'épouse et le ministre qui avait béni le mariage.

Dans la vallée de la Germanasca, une ancienne coutume nous apprend que c'était l'épouse qui confectionnait la chemise que l'époux devait porter le jour du mariage, tandis que la marraine préparait celle de l'épouse. Au mariage du filleul, c'était le parrain qui offrait la coupe d'étoffe pour la confection de la chemise de l'époux.

L'habit de l'épouse, jusqu'à ces dernières années, était le costume vaudois traditionnel, représenté par la coiffe médiévale, la robe, le tablier et le châle.

a) La coiffe se compose d'une partie antérieure destinée à encadrer le visage, toute plissée et tuyautée. Une seconde partie en toile très mince ou en tulle resserre les cheveux noués auxquels elle est habilement assurée. Cette dernière partie de la coiffe est enrichie d'un ruban de soie blanche qui forme, de côté ou derrière, un nœud duquel tombent de côté ou sur le dos, jusqu'à la taille, les deux bouts du ruban. Dans certaines communautés, les femmes mariées portaient les rubans de la coiffe à gauche ; celles qui n'étaient pas encore mariées, à droite.

b) La robe, en laine ou en soie, comprend un corset plutôt ample et de teinte unie, un collet très souple, des manches plutôt larges, mais resserrées aux poignets.

c) La jupe, ample et commode, est unie au corsage avec des plis réguliers qui descendent jusqu'au bord inférieur, arrivant à couvrir la cheville.

d) Le tablier est également long, en soie changeante, de préférence à teintes non voyantes : noir, bleu, violet.

e) Le châle, en laine ou en soie, avec de longues franges, préfère les couleurs unies : blanc avec des motifs floraux à teintes vives, noir, violet, bleu, cramoisi. Plié en deux, en triangle, et placé sur les épaules, il est arrêté sur la poitrine avec une épingle, là où se croisent les deux extrémités.

Longs, blancs ou noirs, sont les bas en laine. Les chaussures avec les semelles en cuir sont clouées.

Le costume masculin n'existe plus depuis longtemps. L'habit de l'époux est habituellement noir ou en étoffe aux couleurs unies et très sobres.

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LES FUNÉRAILLES

Il est usage, dans les vallées vaudoises, de veiller le cadavre du défunt, qui est toujours, malgré la pauvreté générale des montagnards, habillé de son plus bel habit : très souvent son habit d'époux, conservé à cet effet avec le plus grand soin. La veillée est faite pendant toute la nuit, par les parents et les amis plus intimes de la famille : soit dans la chambre où gît le défunt, soit dans un local contigu. On parle généralement du mort, de son activité dans la famille et dans la communauté, de l'inéluctabilité de la mort, etc. ; quand le sommeil, vers le matin, menace d'avoir le dessus dans le petit groupe des veilleurs, il est d'usage de siroter une boisson chaude ou une tasse de café à la paysanne.

Dans le val Germanasca, lorsque le cadavre a été déposé dans la bière, seul, le parent le plus proche et les voisins peuvent donner un dernier regard et saluer pour la dernière fois le trépassé. Après quoi, on cloue le couvercle de la bière. Tandis que dans le val Pélis la bière restait découverte pendant tout le service religieux.

De nos jours encore, dans les paroisses de montagne, la bière, recouverte d'un grand drap noir avec la croix brodée au centre, la bruno, est soulevée et portée par deux hommes, au moyen de deux longues perches solidement appliquées à la bière par des courroies.

L'ordre du convoi funèbre était le suivant : après la bière venaient quelques hommes pour, éventuellement, remplacer les porteurs venait ensuite le ministre avec l'Ancien du quartier, les parents du défunt et, ensuite, deux par deux, hommes et femmes à part. Si on ensevelissait un homme, les hommes précédaient ; si c'était une femme, la préséance dans le convoi était donnée aux femmes. Cet ordre n'est plus en usage aujourd'hui

Comme à la montagne il n'y a pas de fossoyeur fixe, la besogne de préparer la fosse était effectuée par deux ou trois (selon les saisons) hommes du village du défunt. Quand on avait repéré l'endroit convenable ou disponible, et commencé l'excavation de la fosse on sonnait une première fois la cloche de l'église pour avertir le public ; une deuxième fois lorsque le travail était presque terminé, ce qui coïncidait avec l'heure fixée pour l'ensevelissement.

Quelques jours plus tard, les fossoyeurs improvisés étaient invités par la famille en deuil à un dîner ou à un souper, en signe de gratitude pour le service rendu en cette triste circonstance.

Une pierre avec les initiales du défunt et l'année du décès sont les seuls éléments qui serviront à reconnaître une fosse lors des enterrements successifs. Tout est étroit à la montagne, même le cimetière, et les morts n'étaient pas laissés longtemps dans leurs tombes, qui devaient bien vite céder la place aux suivants. Mais les choses ont bien changé après le dépeuplement survenu ces dernières années.

Dans la vallée de la Germanasca, le mort n'est jamais enseveli avec la tête du côté où coule le torrent principal, localement appelé aigo grosso ou grant'aigo.

En signe de deuil, les femmes portaient un ruban de crêpe noir autour de la partie postérieure de la coiffe. Les hommes le portaient autour du chapeau ou autour de la manche droite du veston. Aujourd'hui, la coutume est presque abandonnée partout.

Jusqu'au commencement du siècle, les familles aisées faisaient distribuer aux personnes qui prenaient part à l'enterrement d'un de leur proche parent, une miche de pain blanc. Pendant un certain nombre d'années, dans quelques paroisses, le pain blanc fut substitué par le pain de seigle, et à Prarustin, où se trouvent les meilleurs vignobles des vallées, avec le pain, on distribuait aussi un verre de vin.

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